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Avec les rabbins d’Europe, le pape François déplore antisémitisme et athéisme

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DIALOGUE INTERRELIGIEUX – Il s’est inquiété avec eux des « tendances antisémites » actuelles en Europe mais aussi de la « menace de l’athéisme ».

Le pape, qui nourrit des relations d’amitié étroite avec le judaïsme, a eu préalablement un entretien en particulier avec le grand rabbin de France.

Antisémitisme et athéisme. Ces deux menaces, qui concernent juifs et chrétiens en Europe, ressortent de l’allocution du pape François à six rabbins représentant tout le continent, reçus lundi au Vatican.

Au sujet de la première, le pape juge cette tendance « troublante, comme le sont certains actes de haine et de violence ». Elle appelle une réaction chrétienne?: « Tout chrétien doit être ferme en déplorant toutes les formes d’antisémitisme et en montrant sa solidarité avec le peuple juif. »

Mais le pape invite cette solidarité judéo-chrétienne à investir aussi un autre champ, celui de la perte du sens religieux en Europe.

« Dans une société marquée de plus en plus par la sécularisation et menacée par l’athéisme, nous courons le risque de vivre comme si Dieu n’existait pas », s’est-il inquiété, sur le même ton alarmiste de ses prédécesseurs?: « Les juifs et les chrétiens ont la bénédiction mais aussi la responsabilité d’aider à préserver le sens religieux des hommes et des femmes d’aujourd’hui, et celui de notre société, par notre témoignage. »

 

Laïcité et libertéLe président de la Conférence des rabbins européens, le grand rabbin de Moscou, Pinchas Goldschmidt, a aussi fustigé une « vieille Europe sécularisée ». Les juifs, estime-t-il, y deviennent des « victimes collatérales » d’une offensive contre le radicalisme musulman?: « Au lieu de combattre les radicaux musulmans, la vieille Europe a riposté par une attaque de grande ampleur contre l’islam, interdisant la construction de minarets, le port du foulard pour les femmes, cherchant à interdire la viande halal et la circoncision. »

« Le pape s’en prend à la menace de l’athéisme, qui est la négation de la religion, mais pas à la laïcité, qui laisse la liberté à chacun de croire ou pas », apprécie le grand rabbin de France, Haïm Korsia, qui s’est entretenu séparément avec le pape François avant l’audience avec les rabbins européens.

Pour conjurer ces tendances, le pape fait appel à une mémoire commune. Contre l’antisémitisme, il a rappelé la Shoah et le 70e  anniversaire de la libération d’Auschwitz. « La mémoire de ce qui s’y est passé, au cœur de l’Europe, est un avertissement aux générations présentes et futures », a-t-il fait valoir, évoquant dans la foulée l’actualité de la violence « contre les chrétiens et les croyants d’autres religions ».

Le 12 avril, il avait établi les mêmes rapprochements en rappelant le génocide arménien, premier du XXe  siècle, avant de décrire « une sorte de génocide » qui se déroule actuellement.

Dialogue en progrès systématiqueL’autre mémoire ravivée qui doit inciter juifs et chrétiens à serrer les coudes est celle de leur dialogue bientôt cinquantenaire.

Inédite, la visite de la Conférence des rabbins européens, hier au Vatican, est en effet motivée par le jubilé de Nostra aetate, la déclaration du concile Vatican II qui a ouvert les relations entre l’Église catholique et les confessions non chrétiennes. Décrit depuis lors « en progrès systématique » par le pape François, ce dialogue judéo-chrétien est considéré, des deux côtés, comme profitable aussi à la société européenne.

« Face à une tendance « laïcarde » croissante et une volonté de sécularisation, nous devons faire valoir l’apport des religions aux questions de société, comme récemment sur la fin de vie », estime le rabbin français Moshe Levine, directeur de la Conférence des rabbins européens, présent à l’audience avec le pape?: « Il ne s’agit pas de constituer un front des religieux mais de montrer ce sur quoi nous pouvons penser ensemble, sans que cela signifie penser de manière identique. »

Les rabbins européens et le pape se sont montrés à l’unisson lundi pour condamner tant l’antisémitisme que les violences antichrétiennes. « Nous sommes à 200 % d’accord. Nous nous sentons concernés par les chrétiens d’Orient », assure le rabbin français.

La gravité des sujets évoqués n’a pas pesé, toutefois, sur le climat de l’audience, décrite comme « chaleureuse ». Le pape a salué chacun, un à un, selon son habitude. Ami personnel du rabbin argentin Abraham Skorka (1), avec qui il avait écrit un livre d’entretiens croisés à Buenos Aires, Jorge Bergoglio a des relations étroites avec la communauté juive depuis le tout début de son pontificat. L’un de ses tout premiers gestes, au lendemain de son élection, avait été d’écrire au grand rabbin de la capitale italienne, Riccardo Di Segni.

Celui-ci était absent de la rencontre, en raison des funérailles de son prédécesseur, Elio Toaff, mort dimanche à presque 100 ans. La mémoire de ce pionnier du dialogue judéo-chrétien fut aussi présente durant la rencontre. Ces derniers lui ont offert une horloge, en guise de symbole de la « sacralité du temps ».

Sébastien Maillard

 1) Lire son témoignage sur ses relations avec le pape François dans Le pape, l’imam et le rabbin, d’Omar Abboud et Abraham Skorka, entretiens avec Antonio Spadaro (Bayard, 212 p. 19,90 €).

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